Nouvelle bravade de l’Iran envers la France ? Téhéran se sentirait-il « pousser des ailes » face aux difficultés auxquelles doit faire face George Bush pour instaurer de nouvelles sanctions à son égard ?
Le ministre iranien du Pétrole Gholam Hossein Nozari a déclaré mercredi lors d’une conférence de presse qu’il estimait possible de mener à bien le projet gazier de South Pars à la moitié du coût évalué par Total en faisant participer de plus petites sociétés.
Gholam Hossein Nozari a également souligné que son pays aurait besoin de 150 à 160 milliards de dollars d’investissements dans son secteur pétrolier et gazier pour doper sa capacité de production au cours des sept prochaines années, et de 480 milliards sur 20 ans pour développer son secteur énergétique.
Le gouvernement iranien veut « donner l’opportunité aux entreprises de moyenne taille de participer à la compétition » avec Total sur le projet South Pars, a-t-il dit en marge d’une réunion de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) à Abou Dhabi.
Le projet tel qu’il est présenté par Total « ne laisse pas assez de place aux petites et moyennes entreprises », a-t-il ajouté, précisant que la « production envisagée sur ce projet est de 10 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié ». « Nous pensons qu’avec 50% du coût proposé par Total nous pouvons mener à bien ce projet », a-t-il poursuivi, tout en précisant que l’Iran « peut trouver un moyen de mettre Pars en oeuvre avec Total ».
Fin septembre, M. Nozari avait déjà averti le groupe pétrolier français Total que s’il ne s’engageait pas plus avant sur South Pars, ce dernier serait confié à des sociétés iraniennes. Ces mises en garde étaient intervenues après que le président français Nicolas Sarkozy eut appelé les sociétés nationales privées à ne plus investir en Iran, afin de contraindre ce pays à suspendre son programme nucléaire.
Total est engagé depuis plusieurs années dans des négociations sur l’exploitation de la phase 11 du champ gazier de South Pars, dans le Golfe, et sur la construction d’une usine de liquéfaction à terre. La partie française a mis en avant l’explosion des coûts de réalisation d’un tel projet pour expliquer le retard pris dans la conclusion du contrat. Le 15 novembre, le ministre iranien du Pétrole, Gholam-Hossein Nozari, avait déclaré que son pays continuait de discuter avec Total du projet de South Pars, pour essayer d’en réduire les coûts qui ont plus que doublé ces dernières années pour atteindre 12 milliards de dollars.
« Le projet South Pars en Iran finira par marcher », a déclaré le 21 novembre dernier Philippe Boisseau, directeur général de la division Gaz et Energies nouvelles de Total. Selon lui, le projet devrait « marcher » un jour, tout en concédant que « si cela arrivait, cela prendrait du temps ».
Le directeur général de Total, Christophe de Margerie, avait répété auparavant qu’il n’y avait « rien de nouveau » concernant les négociations pour le projet South Pars ,ajoutant toutefois que « Total aimerait en tout cas un jour récupérer ou poursuivre l’investissement réalisé en Iran. »
Par ailleurs, M. Nozari a dit que son pays avait de quoi attirer les investissements étrangers et que Téhéran était « en train de négocier avec beaucoup de pays pour leur donner des champs à développer« . La Russie et la Chine se sont déjà montrés fort intéressés alors que le Japon a du récemment jeté l’éponge compte-tenu des pressions internationales, et tout particulièrement américaines.
Selon le ministre, la production pétrolière actuelle de l’Iran est de 4,15 millions de barils par jour (mbj), sa capacité de production s’établissant à 4,3 mbj.
Signe des temps, nouvelle fanfaronnade de Téhéran ou intérêts manifestes des grandes puissances pour les ressources en hydrocarbures de l’Iran ? Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad n’ a pas tardé à crier victoire mercredi devant les divisions provoquées au sein du Conseil de sécurité de l’ONU par le rapport du renseignement américain sur la suspension de son programme nucléaire militaire. Le fait que le président Bush peine à rallier des soutiens pour de nouvelles sanctions, n’est pas non plus pour lui déplaire.
« Il s’agit de la déclaration de la victoire du peuple iranien face aux grandes puissances », a clamé le président iranien. La Chine et la Russie ont en effet dit leurs réticences à voter une troisième série de sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU. Ce sont « étrangement » les mêmes qui se dont dits ouvertement intéressés par les ressources pétrolières et gazières de l’Iran, ceci pouvant expliquer cela, comme d’habitude, allais-je dire.
« Nous allons réfléchir à une nouvelle résolution du conseil de sécurité en prenant en compte tous ces nouveaux facteurs, y compris évidemment les informations américaines (…) selon lesquelles il n’y a pas de programme nucléaire secret en Iran », a ainsi annoncé le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov.
Le président russe Vladimir Poutine a quant à lui appelé mercredi l’Iran à geler son programme d’enrichissement d’uranium.
Les dirigeants chinois évitent pour leur part de se prononcer sur leur position face à une nouvelle résolution renforçant les sanctions contre le régime iranien afin de le contraindre d’abandonner son programme d’enrichissement d’uranium. La Chine estime que « la stratégie à double voie – négociations et sanctions – est la bonne », a simplement déclaré mercredi le ministre chinois des Affaires étrangères Yang Jiechi, lors d’une visite à Londres.
Mais l’ambassadeur de Chine aux Nations Unies, Wang Guangya avait souligné mardi que « maintenant les choses ont changé », laissant entendre ainsi que Pékin serait difficile à convaincre. « Nous espérons que l’Iran et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) vont intensifier leurs consultations pour résoudre les problèmes en suspens », a ainsi déclaré le chef de la diplomatie chinoise.
Pour rappel, Pékin et Moscou ont tout de même approuvé les trois premières résolutions sur l’Iran, dont deux sont assorties de sanctions.
Le président américain George W. Bush s’est dit néanmoins confiant dans le fait que les partenaires des Etats-Unis, sauf la Chine, continuaient à considérer le nucléaire iranien comme « un problème ». Et il a tourné en dérision les proclamations de « victoire » iraniennes. « Vous pouvez écrire sur vos carnets que j’ai rigolé », a-t-il lancé au cours d’un point de presse.
Sa ligne dure a reçu le soutien des dirigeants israëliens. Le président Shimon Peres a accusé le régime iranien de poursuivre ses efforts pour obtenir la bombe nucléaire. « Le moyen d’arrêter l’Iran, ce sont des sanctions plus efficaces », a affirmé la ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni.
Le directeur de l’AIEA, Mohamed ElBaradei, a également prôné mercredi la poursuite des pourparlers diplomatiques avec Téhéran. « Je ne vois pas l’Iran comme une menace imminente qui devrait nous faire dévier du processus de négociations », a-t-il déclaré.
« L’Allemagne estime qu’il faut continuer à rechercher une solution, diplomatique aux côtés de la Chine, de la Russie, de l’Union européenne et des Etats-Unis », a pour sa part expliqué le porte-parole du gouvernement Ulrich Wilhelm.
Londres et Paris souhaitent maintenir la pression. « L’Iran poursuit ses efforts visant à maîtriser la technologie de l’enrichissement », a rappelé le ministère français des Affaires étrangères. « Cette attitude de défi persiste », a abondé mercredi le chef de la diplomatie britannique David Miliband après son entretien avec son homologue chinois.
La France a fait état mercredi d’un « consensus croissant » parmi les grandes puissances dont la Chine et la Russie sur la tenue de discussions sur le programme nucléaire iranien la semaine prochaine à New York, en vue de préparer de nouvelles sanctions contre Téhéran. L’ambassadeur de France à l’Onu Jean-Maurice Ripert a ajouté que le rapport des services de renseignement américains indiquant que l’Iran avait gelé son programme nucléaire militaire en 2003 n’empêcherait pas l’adoption d’un nouveau train de sanctions car l’Iran n’a toujours pas cessé ses activités d’enrichissement d’uranium comme le réclame le Conseil de sécurité. En privé cependant, des diplomates ont souligné que le document du National Intelligence Estimate, contredisant les affirmations du président George Bush, avait compliqué la recherche d’un accord sur de nouvelles mesures de rétorsion.
« L’Iran ne bougera pas d’un iota sur son droit au nucléaire » civil, a affirmé quant à lui Mahmoud Ahmadinejad, soulignant que son pays « avait besoin de 50.000 centrifugeuses » en vue de « fournir du combustible pendant un an à une centrale nucléaire ».
Sources : AFP, Reuters, Dow Jones
A lire également :
. L’Iran et la Chine signent un accord sur le gaz
Nucléaire: Israël conteste l’analyse des renseignements américains sur l’Iran
AP | 04.12.2007 | 12:13
Les renseignements israéliens pensent que l’Iran essaie toujours de mettre au point une arme nucléaire, a affirmé le ministre israélien de la Défense, mardi, remettant ainsi en cause l’analyse des renseignements américains sur l’Iran.
« Il semble qu’il soit vrai qu’en 2003, l’Iran ait interrompu son programme nucléaire militaire pendant un temps. Mais à notre avis, l’Iran a depuis repris ce programme », a dit Ehoud Barak à la radio israélienne.
« Nous connaissions cette analyse américaine », a dit Barak. « Il y a des différences entre les évaluations des différentes organisations dans le monde à ce sujet, et seul le temps nous dira qui a raison », a estimé l’ancien Premier ministre travailliste qui fut également chef d’état-major des armées.
Interrogé pour savoir si cette nouvelle analyse américaine éloignait la possibilité d’une frappe militaire américaine sur l’Iran, Ehoud Barak a répondu que c’était « possible ». Toutefois, a-t-il aussitôt ajouté, « nous ne pouvons pas nous permettre de baisser la garde simplement à cause d’un rapport venu de l’autre côté de la Terre, même si ce rapport nous vient de notre plus grand ami ».
De son côté, le Premier ministre Ehoud Olmert s’est gardé de remettre ce rapport en cause, jouant la carte de la modération sur le nouveau fossé qui semble se creuser entre les points de vue israélien et américain.
« Selon ce rapport, et selon la position américaine, il est vital que poursuivre nos efforts pour empêcher l’Iran d’atteindre une capacité nucléaire », a dit Ehoud Olmert au cours d’une conférence de presse commune avec le vice-Premier ministre italien.