L’Etat sénégalais a renoncé à la vente partielle de ses actions dans Sonatel à France Téléom, alors qu’une opération permettant au groupe français de devenir majoritaire au sein de l’opérateur historique des télécoms au Sénégal était planifiée de longue date.
Si France Telecom se montre peu locace sur le sujet – voire même surpris – notons toutefois que la position sénégalaise a été précédée de quelques signes annonciateurs.
« L’Etat renonce à la vente de ses actions à France Télécom », a déclaré vendredi le coordonnateur de l’Intersyndicale des salariés de Sonatel, Mamadou Aïdara Diop.
En lieu et place de la vente d’actions à France Télécom, Sonatel effectuera un nantissement auprès de banques ainsi qu’une OPV (offre publique de vente), le but étant d' »impliquer le secteur privé » national.
Selon le syndicaliste, cette décision a été prise lors d’une réunion tenue jeudi entre des syndicalistes de Sonatel et des responsables de la présidence sénégalaise dont Thierno Ousmane Sy, conseiller spécial du président Abdoulaye Wade pour les Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).
Pour rappel, le groupe France Télécom détient 42,3% du capital de Sonatel et l’Etat sénégalais 17,28%, le reste étant partagé entre institutions, grand public et salariés.
Le 8 avril dernier, Dakar a signé un protocole d’accord pour céder au groupe français 987.000 de ses actions (9,87% de ses 17,28%) et encaisser ainsi 200 milliards de francs CFA (305 M EUR). Cette vente devait permettre au groupe français de devenir actionnaire majoritaire avec 52,2% du capital.
Les autorités sénégalaises l’avaient justifiée par « un besoin urgent d’argent » pour financer la construction de routes et le paiement d’arrièrés au secteur privé.
Mais le projet avait suscité une vive protestation des syndicats de Sonatel, lesquels redoutant notamment une réduction des effectifs (2.340 agents permanents au Sénégal) et souhaitant empêcher la prise de contrôle de l’entreprise par France Télécom, synonyme pour eux de « recolonisation des télécommunications » dans cette ex-colonie française.
Mi-avril, l’intersyndicale des employés de Sonatel avait annoncé le dépôt d’un préavis de gréve couvrant un délai de 30 jours. « Nous avons travaillé pour faire de Sonatel un bijou. Nous n’accepterons jamais la recolonisation du systéme des télécommunications par les Français » avait alors affirmé Mamadou Aïdara Diop.
A Dakar, l’opération est souvent considérée comme « un bradage » des intérêts nationaux. « Le Sénégal escroqué« , a ainsi titré un hebdomadaire. « Si on touche à la Sonatel, il y aura un effet global sur l’économie « , avertit M. Mbodj, responsable du Forum civil, antenne de Transparency international. « L’Etat sénégalais doit prendre ses responsabilités. Pourquoi ne pas vendre ces actions au secteur privé national? » interrogeait-t-il alors.
Sonatel est aujourd’hui « la première capitalisation boursière » de la Bourse régionale des valeurs mobilières d’Abibjan. Le groupe, qui a adopté la marque commerciale Orange en 2006, a des filiales au Mali, en Guinée-Bissau et en Guinée. Ses bénéfices nets ont triplé entre 2003 et 2007, passant de 56 milliards FCFA (85 M EUR) Ã 161 (245 M EUR). France Télécom a fait son entrée il y a 12 ans dans le capital de l’entreprise privatisée.
Rappelons par ailleurs, que le président sénégalais Abdoulaye Wade a nommé jeudi à la tête du gouvernement le ministre de l’Economie maritime Souleymane Ndéné Ndiaye, suite à la démission du Premier ministre Hadjibou Soumaré.
Le président Wade, 82 ans, a procédé à cette nomination, alors qu’un important remaniement ministériel est attendu depuis la percée de l’opposition aux élections locales du 22 mars.